Voilà maintenant 72 h que le ministre de l'Intérieur nous a annoncé que tous les déplacements sont interdits. Désormais, il faut montrer patte blanche, ou plus précisément, son attestation de déplacement dérogatoire ou un justificatif de déplacement professionnel.

Branle bas de combat. La défense s'organise.
Certains se précipitent dans les rayons féculents de leurs supers tandis que d'autres ont déjà commencé à renforcer les murs de leurs logements à grands coups de rouleaux pour arrière-trains délicats.
Au moins, les enfants pourront construire de fabuleux mobiles tout au long de ces journées qu'il faudra désormais combler.

Mardi 17 mars, midi. L'heure fatidique.
Plus personne dehors sans son laissez-passer.
Je suis à la fenêtre, je m'amuse à observer les retardataires - les bras chargés pour la plupart - se carapater au plus vite vers la maison. La démarche n'est déjà plus la même. Je surprends même quelques-uns à jeter un œil, inquiet, à gauche, à droite, à chaque intersection, par crainte de la marée-chaussée.

Midi trente, treize heures, quatorze heures...Dix-sept heures...
Mais que font encore dehors tous ces gens ?
Je repense tout à coup à certains messages sur les réseaux sociaux.

Manifestement, la résistance s'organise.
Pendant mes lectures sur la Seconde Guerre mondiale, j'ai beau m'être souvent projeté "résistant" - comme beaucoup - , cette fois-ci... Je ne le sens pas.
Il y a quelque chose de mauvais l'air aujourd'hui. Ce n'est pas ma guerre.

Ceci étant, je m'abstiens de porter un jugement sur ces personnes que je vois "s'entasser" à 50 cm les uns des autres dans la boulangerie sur laquelle donne ma fenêtre. Mais je ne comprends pas. Ça ne fait pas sens.
Bien évidemment, sans tarder, la patrouille rapplique sur tous supports : la vindicte populaire à la rescousse pour condamner ces comportements déviants au sein du groupe. J'y suis allergique.

Si les Hommes, les sociétés, disposaient d'un talent particulier pour s'auto-réguler, il existerait depuis belle lurette des organisations sans système judiciaire. Or, je ne crois pas que cela eût existé et fonctionné (et me voilà avec un beau sujet à approfondir durant mes journées de confinement).

Mais, quelque part, je comprends ces gens. Ils ont peur.
Sans doute un peu comme moi.
Il y a sûrement de quoi. La résilience de notre société est une nouvelle fois mise à l'épreuve. Comme maintes fois par le passé d'ailleurs.
Cela s'est toujours soldé par une transformation - à intensité variable, certes - de la société.
Finalement, c'est peut-être cela qui m'effraie le plus, car, pour l'instant, ce virus demeure invisible, lointain.

Je n'aime pas le changement.

Photo de Joel Overbeck